Leni Riefenstahl - La lumière et les ombres Allemagne 2024 – 115min.
Critique du film
La construction de l’innocence
Pour ses films visuellement ambitieux, pour leur contenu propagandiste et sa proximité avec le régime nazi, Leni Riefenstahl est certainement l’une des réalisatrices allemandes les plus célèbres. Après la guerre, elle a consacré sa vie à se défendre et à remodeler sa biographie. Un sujet que décortique aujourd’hui Andres Veiel dans son documentaire.
Beaucoup a déjà été écrit et filmé sur Leni Riefenstahl, la cinéaste qui, sur ordre d’Hitler et de Goebbels, a réalisé certains des films les plus marquants du régime nazi. Aujourd’hui encore, ses œuvres restent des exemples de cette propagande subtile et dissimulée. À partir d’un vaste corpus d’archives, le réalisateur Andres Veiel dresse le portrait d’une artiste profondément contradictoire, controversée, et qui, toute sa vie durant, a lutté pour réécrire son image.
En 2002, la journaliste allemande Sandra Maischberger rencontre Leni Riefenstahl, alors âgée de 100 ans. Incertaine de la véracité de ses propos, elle quittera l’entretien avec une impression mitigée. Ses questions semblent glisser sur la réalisatrice, qui lui oppose un visage hermétique. Perturbée par cette rencontre, Maischberger décide alors en 2016 d’examiner les archives laissées par la cinéaste afin d’en produire un documentaire.
En 2018, Andres Veiel rejoint le projet. Avec une équipe dédiée, il explore l’impressionnant legs de Riefenstahl, composé de 700 caisses renfermant photos, films, enregistrements sonores, lettres et autres documents. Au terme d’un processus qui a duré six ans, et avec l’aide de trois monteurs, le réalisateur de «Die Spielwütigen» (2004) et «Beuys» (2017), achève la réalisation de «Leni Riefenstahl - La lumière et les ombres». Un travail qui a depuis été présenté à la Mostra de Venise et au festival de Zurich.
Une chose est sûre, l’exploration approfondie dans les archives s’est avérée pour le moins fructueuse: les scènes sont captivantes et méritent d’être montrées, vues. Certaines séquences inédites issues du documentaire «Die Macht der Bilder» (1993), ainsi que des interviews télévisées, témoignent en effet de l’obsession de Riefenstahl pour le contrôle de son image. À maintes reprises, elle réprouve avec véhémence les accusations de propagande nazie et se défend d’avoir été au courant des atrocités commises. La simple évocation de ces sujets provoque d’ailleurs des accès de colère spectaculaires.
Face à ces déclarations publiques, Veiel lui oppose des lettres privées, des extraits de journaux intimes et surtout des enregistrements téléphoniques qu’elle avait obtenus via ses soutiens ou d’anciens amis comme Albert Speer, ministre du Troisième Reich et proche de Hitler. Il en émerge un tissu complexe de mensonges, de contradictions et de contrevérités que Riefenstahl a tenté, jusqu’à sa mort, de démanteler.
Andres Veiel signe un film impressionnant qui établit un lien clair avec notre époque, les évolutions politiques actuelles, telles que la propagation des fake news, la montée de l’extrême droite et la diffamation des médias. Toutefois, sa forme ouverte, son caractère parfois décousu et quelques longueurs nuisent légèrement à la tension narrative. Certaines scènes déjà connues sont répétées, et des questions cruciales restent sans réponse. Malgré cela, «Leni Riefenstahl - La lumière et les ombres» demeure une œuvre incontournable, qui invite à approfondir la réflexion sur la vie et l’héritage de Leni Riefenstahl.
(Traduit de l’allemand)
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