Guy France 2018 – 102min.

Critique du film

Alex Lutz se grime et nous éclabousse de tout son talent

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Projeté à Cannes en 2018 et primé par le César du meilleur acteur, Guy a pris son temps pour débarquer en Suisse. Alex Lutz se glisse dans la peau de Guy Jamet, un chanteur de variété très populaire entre les années 60 et 90. Un interprète dépassé, à la lisière du ridicule, mais profondément touchant.

Gauthier (Tom Dingler) est un jeune journaliste. Alors que Guy Jamet (Alex Lutz) sort un album de reprises, Gauthier se lance dans un documentaire et brosse le portrait d’un chanteur « passé de date ». Il décide de le suivre, de le comprendre, de le découvrir, accompagné de sa caméra. Et si l’intention est de réaliser un vrai documentaire, Gauthier souhaite rencontrer son géniteur. Sa mère, juste avant sa mort, lui apprend qu’il serait le fils illégitime de Guy.

Rendez-vous dans les galas de province, dans les petites salles communales. Les heures de gloire de Guy sont derrière lui. Il revient sur les scènes pour entonner quelques reprises. Il pousse la chansonnette, en souvenir du bon vieux temps. À travers la caméra (du film) de Gauthier, Guy s’ouvre. Un homme qui porte les stigmates du temps - maquillage de très bonne facture -, à la parole lasse. Des échanges entre les deux hommes qui laissent naître une solitude, une peur de la vieillesse; un homme fatigué et usé par le temps. Guy s’essouffle : « J’ai vieilli, mais je n’ai pas changé, on ne change pas » dixit l’interprète.

Alex Lutz, à la réalisation et dans le rôle principal, travaille la posture, se glisse sous les traits d’un chanteur caricatural, qu’on peut nommer vulgairement « has-been ». Parfait, poignant dans la peau de Jamet, Lutz fait étalage d’une vraie maîtrise du jeu. Un vrai rôle de composition. Les mimiques, les gestes, les rictus faciaux ; l’intransigeance dans la confection de son personnage est admirable. Une partition tout en retenue. Alex Lutz admire son personnage, l’aime avec tendresse, il lui insuffle une vraie humanité, avec ses failles béantes. Derrière le masque du chanteur dépassé, un homme conscient de l’image qu’il véhicule, conscient que ses plus grandes heures sont passées. Un portrait nuancé, qui évite les pièges de la caricature.

En bref !

Une jolie surprise. Un faux documentaire joliment exécuté et superbement joué. Guy Jamet étrenne sa superbe d’antan, traîne son spleen à présent. Une chose est sûre : Alex Lutz rappelle qu’il n’est pas seulement Catherine, dans Catherine et Liliane (Canal+), mais bien un acteur de la trempe des grands, doté d’une faculté de portraitiste. Guy est à voir !

02.07.2019

4

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