Les Âmes sœurs France 2023 – 100min.

Critique du film

Les âmes sœurs ou le cinéma sans vie

Critique du film: Kevin Pereira

Nouvelle réalisation d’André Téchiné, Les âmes sœurs se présente comme le symbole d’un cinéma ringard et passéiste. Déroulant un récit de convalescence, dont les progrès, à peine crédibles, se font à la vitesse de la lumière, le film est essentiellement enrayé par sa mécanique narrative qui tourne continuellement à vide. C’est que, d’une certaine manière, le cœur de son cinéma – sa prolifération romanesque et son ambition dramatique – souffre, ici, d’un manque sérieux de témérité qui interroge.

Lieutenant français engagé au Mali, David (Benjamin Voisin) est victime d’un grave accident : le camion dans lequel il arpente les déserts arides explose. Rapatrié d’urgence en France, David souffre d’une amnésie dissociative et ne se souvient plus de sa vie d’avant la tragédie. Recueilli par sa sœur Jeanne (Noémie Merlant), David retrouve peu à peu l’entier de ses capacités physiques et comble progressivement les trous dans sa mémoire. Or, plus David progresse dans sa convalescence, plus sa relation fraternelle se complique…

Sous couvert de s’abandonner dans l’immoralité – on taira néanmoins les enjeux de cet abandon pour les quelques adeptes de Téchiné, s’il en est, qui souhaitent tenter l’expérience –, Les âmes sœurs est surtout le produit d’une inféodation : celle du cinéma au scénario, laissant l’impression indéfectible que le long-métrage n’avance que par la seule volonté des scénaristes.

L’exposition du film, disons sa première demi-heure, illustre parfaitement cette idée d’une mécanique narrative à la fois totalement creuse et totalitaire. En trente minutes, le récit aborde tour à tour – et ce, sans jamais s’arrêter, jamais ! – le Mali, l’accident de David, son rapatriement, son coma, son réveil, la réalité de ses troubles amnésiques, ses innombrables examens médicaux, la rapidité de ses progrès, les retrouvailles avec sa sœur, son retour à la maison (la liste n’est d’ailleurs pas exhaustive, c’est dire…).

Cette rapidité, si elle n’est pas dépourvue d’une certaine efficacité dramaturgique, repose sur un montage elliptique qui a le plan long en horreur. Se contenant de disposer des signes au lieu de travailler des scènes, l’impératif romanesque, habituel chez Téchiné, rappelons-le, conduit alors à l’absorption : il nie tout le potentiel cinématographique contenu dans le motif de la mémoire défaillante, allant de l’exploration de ses béances à la mise en scène de ses errements. À trop vouloir raconter, de deux choses l’une : soit on ne dit rien, soit on dit bêtement. Et Les âmes sœurs fait pire : pris dans sa frénésie romanesque – son délire –, il oublie de prendre de la hauteur sur ce qu’il débite, laissant certaines idées, légèrement tendancieuses, s’arracher à sa volubilité.

11.04.2023

1.5

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