CH.FILM

Mario Suisse 2018 – 119min.

Critique du film

L’hypocrisie machiste 


Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

L’homosexualité dans le milieu du sport professionnel est un sujet tabou que l’on évite soigneusement. Qu’on se le dise, le sport est un milieu macho et fermé. Avec Mario, Marcel Gisler se glisse dans le vestiaire d’un club de football pour traiter avec pudeur d’une romance (im)possible.

Mario Lüthi (Max Hubacher) est un jeune footballeur prometteur et son avenir professionnel se décide sur les pelouses de la troisième division suisse. Joueur au sein de l’équipe réserve de Young Boys, Mario voit sa vie prendre un tout autre tournant quand Leon Saldo (Aaron Altaras) débarque tout droit du club d’Hannover 96. Entre les deux hommes, ce n’est pas une rivalité sportive qui s’installe, mais une romance. Seul hic : dans le foot, l’homosexualité n’est pas la bienvenue.

Leon est un sacré joueur, un peu solitaire et peu enclin à lâcher son ballon, mais un vrai attaquant technique et physique. Mario est le renard des surfaces, habile des deux pieds, ne manquant pas une occasion de glisser le cuir au fond des filets. Les deux attaquants vont allier leurs forces pour devenir une paire offensive redoutable. Le club repère vite la force de frappe des deux attaquants et décide de leur louer un appartement pour resserrer les liens et les rendre inséparables, si bien qu’ils vont tomber amoureux. Dans un premier temps, Mario et Leon réussissent à garder leur relation secrète, mais durant un camp d’entraînement, les premières rumeurs apparaissent. Marcel Gisler explore l’hypocrisie du milieu footballistique et met en avant l’infinie bêtise d’un milieu préférant plonger deux talentueux joueurs dans une profonde tristesse au profit de l’image du club. L’argent avant le bien-être de deux éléments prometteurs.

L’homosexualité dans les hautes sphères du sport, un sujet tabou traité ici à travers les coulisses d’un club. Marcel Gisler mise sur un traitement sobre et se focalise sur le chemin de Mario en direction du succès. Mais à quel prix ? Celui de protéger sa carrière plutôt que sa vie sentimentale. Une peine de coeur qui s’efface avec l’enchaînement des matchs et un transfert en Allemagne pour rejoindre la Bundesliga et le club de St. Pauli. Sa carrière prend son envol, mais si les buts pleuvent, Mario ressent un vide grandir en lui. Dans Mario, le propos est justement traité dans le message qu’il souhaite véhiculer : dénoncer l’insensibilité dans le sport. En découle également une douceur, un regard plein de tendresse adressé à ces deux hommes pris en tenaille par un système piloté par l’argent. Peut-être déplorons-nous un côté un peu trop scolaire dans la mise en scène, Mario n’en reste pas moins un bon film, réaliste et sans artifice.

En bref !

Porté par les deux bonnes performances de Max Hubacher et Aaron Altaras, le métrage démontre avec habilité l’impact de l’homosexualité dans le sport professionnel. Traitement en douceur, empreint d’une belle sensibilité, Mario pêche dans sa structure convenue, sans fulgurance. Un manque de prise de risque, certes, mais une sortie en beauté avec cette séquence finale toute en sensibilité et en retenue. Même si sa carrière de footballeur est brillante, le coeur de Mario s’est éteint le jour où Leon est sorti de sa vie. Touchant.

08.11.2018

3

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